Nicolas Fessler raconte : "En 2008, au Soudan du Sud, j'ai dû déplacer notre machine de déminage, une D-2, entre les villes de Kurmuk à Ad-Damazin. À un moment donné, je m'aperçus que la piste devant moi devenait boueuse, mais je n'avais guère d'autre parti que celui de continuer et de tenter ma chance. Quelques instants plus tard, le camion commença à patiner; après une heure, il s'était enfoncé jusqu'aux essieux. Il ne me restait plus qu'à appeler mon collègue Patrick au secours. En attendant sa venue, je voyais des voyageurs à pied nous dépasser, ce qui me donna l'idée de demander à l'un d'entre eux, par le truchement de Paulino, qui m'accompagnait, si le prochain village était proche, car je commençais à avoir faim. Comme on nous répondit par l'affirmative, nous nous mîmes en marche. Mais aussi loin que nous avions jugé prudent de nous aventurer, nous ne trouvâmes aucun village, ni aucune apparence qu'il y en eût un. Nous ne croisâmes qu'un troupeau de brebis. Intrigués, nous revînmes sur nos pas. Peu après notre retour, les unimogs arrivèrent et nous réussîmes à tirer le camion hors du bourbier. Nous reprîmes donc la piste. Et le village? Nous en atteignîmes un en effet, mais après un trajet de trois-quart d'heures, qui nous aurait pris peut-être trois heures à pied! Tel est le sens que peut prendre le mot "proche" dans l'immensité de l'Afrique et pour les voyageurs infatigables qui la parcourent."