Gentien Piaget raconte : « C’est le début de la saison des pluies et la formation du personnel local sur notre machine touche à sa fin. Avec la machine, nous avons fourni un camion multilift d’occasion pour son transport. La machine est donc positionnée et arrimée sur une plateforme et le tout est ensuite chargé sur un camion à l’aide d’un crochet. C’est très pratique pour le chargement et le déchargement. Malheureusement, l’abri pour le camion a été établi au bas d’une pente en dévers et personne n’avait pensé que durant la saison des pluies cette situation pourrait poser problème. En effet, le poids du camion avec la machine sur le dos avoisine les 24 tonnes et monter cette pente boueuse et en dévers promettait quelques moments de transpiration. Le crochet du multilift est doté d’un contrepoids qui verrouille son ouverture durant le chargement et le déchargement, ce qui empêche la boucle du plateau de sortir du crochet. Pendant la formation, j’ai bien vu à un moment donné qu’un bloc de métal rouge et cylindrique traînait au fond de la cabine du camion, sans que je fasse le lien avec ce contrepoids. Il a probablement été arraché suite à une mauvaise manœuvre et personne n’en a parlé puisque ça allait bien « comme ça ». Quoi qu’il en soit, nous arrivons un matin, toute l’équipe près du camion pour déplacer la machine et continuer la formation. L’idée était de déplacer la machine de quelques centaines de mètres pour simuler une arrivée sur les champs de mines et travailler avec elle dans des conditions proches du réel. Il avait plu la nuit précédente et le paysage était gorgé d’eau. Le chauffeur parvient à s’extraire de l’abri au bas de la pente mais en gravissant celle-ci, le camion se met à patiner et à se positionner en travers dans le dévers. Le chauffeur insiste et les roues creusent un profond sillon empêchant bientôt tout mouvement, même la marche arrière. Je juge que la pente et le dévers sont acceptables pour décharger la machine et gagner ainsi du poids. L’opération de déchargement commence.

C’est arrivé environ au milieu de celle-ci que les choses se compliquent, lorsque par gravité le plateau bascule en bas du camion et que, à ce moment précis, le verrouillage du crochet devait retenir la boucle du plateau pour l’empêcher de se désolidariser : en effet, le verrouillage put difficilement faire son travail depuis le plancher de la cabine… La boucle du plateau est alors sortie du crochet, et le plateau, avec la machine, ont glissé librement jusqu’au sol. Heureusement en glissant, le plateau est resté dans les rails de guidage du châssis du camion, car autrement la machine aurait basculé sur le côté à cause de la pente. Donc j’essaie de réfléchir à ce qu’il faut faire avec un camion qui ne peut ni avancer, ni reculer, en pente glissante et en dévers, avec un plateau et une machine posés en équilibre précaire entre le sol et le châssis, et autour une équipe de six personne qui explique chacune en forçant la voix et tous en même temps ce que le chauffeur doit faire et surtout ne pas faire. Voulant à tout prix éviter le suraccident, je fais évacuer tout le monde sauf le chauffeur et nous prenons cinq minutes pour réfléchir. Finalement nous attachons une chaîne entre la boucle de la plateforme et le crochet et très prudemment la machine est déchargée jusqu’au sol. Nous la désarrimons de la plateforme et l’utilisons pour tracter le camion hors de sa fâcheuse posture. Au final, plus de peur que de mal, mais ça aurait pu être bien pire. Le verrouillage du crochet fut ressoudé à sa place immédiatement après ces évènements. »