Frédéric Raza : «Mon histoire se passe au Sénégal en 2011. Ce jour-là, je faisais la toute première démonstration des capacités de notre D-3, la machine de déminage que la Fondation Digger venait d'envoyer sur place. L'assistance était composée de membres des autorités locales de déminage, ainsi que du personnel d'Handicap International à qui la machine devait revenir. Pour cette grande occasion, j'avais choisi de manœuvrer la machine sur le site de l'Institut sénégalais de recherche agricole, plus précisément sur un terrain qu'on venait de brûler comme on le fait traditionnellement avant la saison des pluies, pour le cultiver ensuite. Je commençai donc par mettre en rotation la fraise et à l'abaisser contre le sol, devant tout le monde. Aussitôt un panache de poussière grise s'éleva dans le ciel. Il s'agissait de la cendre. Je fis avancer la machine et au bout de 20 à 30 mètres, la poussière devint ocre, de la couleur de la terre. Au bout de cinquante mètres, elle changea encore une fois, devenant blanche, à croire que c'était de la farine. Bon. j'arrête alors la fraise, je fais reculer l'engin, je le repositionne et je mesure la profondeur de creusement. En même temps, le gardien de l'Institut accourt vers la fin du sillon, regarde le sol, puis se relève en éclatant de rire : je l'entends déclarer à ses collègues qu'ils ont enfin trouvé une dalle en ciment, dont ils connaissaient l'existence, mais non l'emplacement exact, car la végétation l'avait recouverte depuis de nombreuses années et la dissimulait entièrement. Voilà qui explique la poussière blanche! Le gardien conclut en disant : "Eh bien, si la machine a cet effet sur une dalle, les mines antipersonnel n'ont qu'à bien se tenir!"»