Frédéric Guerne raconte : « Le vendredi est un jour spécial pour les démineurs : c'est le jour où ils détruisent toutes les mines antipersonnel qu'ils ont trouvés et rassemblés pendant la semaine. Un de ces vendredis restera gravé dans ma mémoire, car j'ai cru l'espace d'un instant que ce serait le dernier de ma vie, et ce à cause d'un balais !

En 1997, à Karlovac, une petite ville de Croatie, j'assistais au travail d'une équipe de démineurs. L'un d'entre eux prénommé Michaël était grand, fort et d'un caractère fier. Ce jour-là, il vint me chercher et me conduisit dans un jardin d'un quartier résidentiel, où ses collègues étaient réunis devant une petite cabane. Ils gardaient là les mines et les autres engins explosifs récoltés les jours précédents, qu'ils avaient, pour l'heure, sortis et étalés sur le sol. Ils avaient bien travaillé, car en détaillant leur trophée de chasse, je me rendis compte qu'il y avait à nos pieds de quoi faire sauter tout le quartier et briser bien des vies. Le chef des démineurs nous recommanda de garder nos distances, soulignant que ce matériel était instable. C'est alors que Michaël s'approcha d'un arbre et s'appuya nonchalamment contre son tronc. Occupé à prendre une pose dégagée ou à garder un œil sur les engins explosifs, il ne vit pas qu'au même endroit était déjà appuyé un balai et le fit tomber en plein sur une bombe. La chute du balais nous parut durer une éternité, mais inutile de dire que la bombe n'explosa pas, puisque je suis là pour vous raconter ce souvenir. »